Nous avons le plaisir d'annoncer la publication dans Obesity Facts, la revue européenne sur l'obésité, des recommandations d'experts européens concernant un ensemble minimal de variables à inclure dans les essais cliniques randomisés et contrôlés portant sur les interventions contre l'obésité. Martine Laville, auteure de ces recommandations, a aimablement accepté de répondre aux questions de l'EASO.
Professeur Laville, merci de nous accorder cet entretien et félicitations pour les nouvelles lignes directrices. Pouvez-vous nous parler un peu du projet OBEDIS ?
Cette expérience a été très enrichissante, une collaboration unique avec 30 experts européens renommés travaillant dans le domaine de l'obésité afin de réaliser une avancée décisive pour les futurs essais cliniques. Dans la pratique clinique, nous savons tous qu'il n'existe pas un seul phénotype de l'obésité, mais plusieurs. Il est également largement admis que la plupart des ECR sur l'obésité incluent des patients qui, bien qu'ils répondent aux critères d'inclusion, présentent des différences notables en termes d'antécédents médicaux, de complications associées et de nombreux autres facteurs (génétiques, mode de vie, facteurs interventionnels et psychosociaux) susceptibles d'influencer les réponses variables à une même intervention. Le défi auquel nous étions confrontés dans le cadre du projet @OBEDIS, financé par le JPI HDHL et soutenu par l'EASO, consistait à déchiffrer l'hétérogénéité des patients atteints d'obésité afin d'améliorer la stratification de ces patients.
Avez-vous constaté un intérêt croissant pour la cohérence méthodologique dans la recherche axée sur l'obésité ces dernières années ?
Oui, plusieurs facteurs expliquent ce regain d'intérêt : 1) la plupart des directives cliniques relatives au traitement de l'obésité ne s'appuient pas suffisamment sur la médecine factuelle ; 2) la médecine de précision, qui est sans aucun doute la médecine de l'avenir, nécessite une approche phénotypique précise ; 3) la réutilisation, la fusion et la mise en relation de données cliniques standardisées et de haute qualité sont désormais indispensables pour ouvrir la voie à de nouvelles approches médicales innovantes.
Et les résultats d'@OBEDIS contribueront grandement à ces nouvelles approches méthodologiques.
Pouvez-vous partager avec nos lecteurs un résumé des grandes lignes des nouvelles directives ?
Les experts @OBEDIS se sont mis d'accord sur un ensemble minimal de variables et les méthodes d'évaluation associées qui devraient être systématiquement incluses dans toutes les interventions cliniques impliquant des patients atteints d'obésité. Ces variables concernent : l'environnement et le contexte, le mode de vie et le comportement, les caractéristiques du sujet, les comorbidités. Nous avons veillé à ce que les variables sélectionnées puissent être facilement collectées (faible coût, peu invasives, rapides à mettre en œuvre). L'adoption généralisée de l'ensemble de base @OBEDIS constituera une avancée majeure vers la stratification des patients et, à terme, vers la médecine de précision.
Selon vous, quel sera l'impact de ces lignes directrices sur la recherche et les essais cliniques dans le domaine de l'obésité au cours des prochaines années ?
Nous considérons que ces lignes directrices ouvriront la voie à de futurs soins médicaux pour les patients souffrant d'obésité. @OBEDIS constitue une première étape méthodologique vers le partage des données, permettant de normaliser la collecte de données dans le cadre d'interventions cliniques à travers l'Europe.
Nous espérons que, dans un avenir proche, la collecte au niveau européen de l'ensemble minimal de données permettra de partager et de combiner facilement de grandes quantités de données standardisées et de haute qualité au niveau européen, sous la forme d'une vaste base de données contribuant à optimiser les traitements et la prise en charge clinique des patients atteints d'obésité afin d'offrir le bon traitement, à la bonne personne, au bon moment.
M. Laville, docteur en médecine et titulaire d'un doctorat, professeure de nutrition à la faculté de médecine de l'université de Lyon. Elle enseigne la nutrition et s'occupe du traitement du diabète et de l'obésité.
Elle est présidente du CENS (Centre européen pour la nutrition et la santé). Elle dirige le FORCE (Centre français d'excellence sur l'obésité), un réseau dédié au développement d'essais cliniques pour le traitement de l'obésité. Elle participe à des projets d'infrastructure européens ECRIN (responsable du groupe de travail Nutrition) et coordonne des initiatives JPI HDHL (alimentation saine pour une vie saine) telles que @OBEDIS sur le phénotypage dans l'obésité. Ancienne présidente de l'Association française de l'obésité (AFERO), elle a organisé la réunion ECO en 2012. Ses principaux intérêts de recherche portent sur les mécanismes impliqués chez les patients obèses et diabétiques, avec différentes approches allant des habitudes alimentaires à la biologie moléculaire. Elle est chercheuse et co-chercheuse dans de nombreux essais cliniques sur l'obésité et le diabète. Elle a publié plus de 300 articles dans des revues à comité de lecture, avec un indice h de 65.